"Quand il se présente à nous quelque doctrine nouvelle"
Le ciel et les étoiles ont bougé pendant trois mille ans ; tout le monde l'avait cru jusqu'au jour où Cléanthès de Samos ou, selon Théophraste, Nicétas de Syracuse, s'avisa de soutenir que c'était la terre qui se mouvait en traversant le cercle oblique du zodiaque en tournant autour de son axe ; et, de notre temps, Copernic a si bien établi cette doctrine qu'il s'en sert très couramment pour tous les calculs astronomiques. Que retiendrons nous de là sinon que peu doit nous importer de savoir quelle est celle des deux opinions qui vaut mieux ? Et qui sait si une troisième opinion, dans mille ans d'ici, ne renversera pas les deux précédentes ?
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Ainsi quand il se présente à nous quelque doctrine nouvelle, nous avons de grands motifs de nous en défier et de considérer qu'avant le moment où elle fut introduite la doctrine contraire était en vogue ; et comme elle a été renversée par la nouvelle, il pourra naître à l'avenir une troisième invention qui jettera de même à terre la seconde.
Montaigne. Les Essais. Livre II, Chapitre XII : Apologie de Raymond Sebon.
Extrait de : Montaigne, Les Essais en français moderne, Quarto Gallimard. Éditions Gallimard.
Avec sérieux ...
A méditer. Tout commentaire, sérieux ou pas, ne sera que sottise !
Personne n'est exempt de dire des sottises. Le malheur est de les dire avec sérieux.
Montaigne. Les Essais. Livre III, Chapitre I : Sur l'utile et l'honnête.
Extrait de : Montaigne, Les Essais en français moderne, Quarto Gallimard. Éditions Gallimard.
La belle vie.
C'est une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir de son être. Nous cherchons d'autres manières d'être parce que nous ne comprenons pas l'usage des nôtres, et nous sortons hors de nous parce que nous ne savons pas quel temps il y fait. De même est il pour nous inutile de monter sur des échasses, car sur des échasses il faut encore marcher avec nos jambes. Et sur le trône le plus élevé du monde, nous ne sommes encore assis que sur notre cul.
Les plus belles vie sont, à mon avis, celles qui se conforment au modèle commun et humain, avec ordre, mais sans rien d'extraordinaire et sans s'écarter de ce modèle.
Montaigne. Les Essais. Livre III, Chapitre XIII : Sur l'expérience.
Extrait de : Montaigne, Les Essais en français moderne, Quarto Gallimard. Éditions Gallimard.
La botanique simplifiée
Voici la première phrase d'un Essai de Montaigne qui devrait réconcilier beaucoup de monde avec la botanique ![Sourire]( "Sourire")
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Quelque diversité d'herbes qu'il y ait, tout s'englobe sous le nom de salade.
Montaigne. Les Essais. Livre I, Chapitre XLVI : Sur les noms.
Extrait de : Montaigne, Les Essais en français moderne, Quarto Gallimard. Éditions Gallimard.
La réforme.
Comment, à près de cinq siècles, ces mots de Montaigne concerant la Réforme de l’église, s’entendent et s’appliquent si parfaitement à une « réforme » contemporaine, certes beaucoup plus étroite en terme de population concernée et infiniment plus basse philosophiquement, que certains reconnaitront peut être ?
J’ai du dégout pour la nouveauté, quelque visage qu’elle porte, et j’ai une bonne raison, car j’en ai vu des effets très dommageables. Celle qui nous accable depuis tant d’années n’a pas tout fait, mais on peut dire avec vraisemblance que, de façon indirecte, elle a tout produit et engendré, et même les maux et les ruines qui se font, depuis, sans elle et contre elle : c’est à elle de s’en blâmer …
Mais si les inventeurs sont plus pernicieux, les imitateurs sont plus vicieux en s’empressant de suivre des exemples, dont ils ont ressenti et puni l’horreur et le mal.
Montaigne. Les Essais. Livre I, Chapitre XXIII : Sur la "coutume" et sur le fait qu'on ne change pas aisément une loi reçue.
Extrait de : Montaigne, Les Essais en français moderne, Quarto Gallimard. Éditions Gallimard.
