Ataraxie

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Violaceae


La Pensée des Vosges.

Viola lutea (Violaceae).

" Une autre fleurette sourit au touriste dans toutes les Hautes-Vosges, dès que la neige a fondu et que le soleil a réchauffé le sol. C'est la délicieuse Pensée des Vosges. Sur des tiges frêles rampant dans le gazon sont fixées de grandes corolles dont les figures et les expressions sont aussi variables que la couleur. Entre le violet et le jaune, le coloris varie à l'infini de l'indigo-pourpre velouté, du bleu pâle ou violacé, des teintes tricolores aux nuances jaunâtres, jaunes et, parfois, même blanchâtres, mais toujours marquées de plus ou moins de violet.

Parmi nos trois fleurs montagnardes la Pensée des Vosges est la plus abondante et la plus largement répandue. Elle suit partout le touriste sur les chaumes dénudés, de même que dans les pâturages et les broussailles, à partir de 900 ou 1000 m, depuis les Ballons d'Alsace et de Servance ou, plus exactement, depuis la Planche-des-Belles-Filles et Belfahy situé déjà dans les Vosges saônoises jusqu'au Champ-du-Feu. Elle ne descend qu'exceptionnellement à 800 m comme au Champ-du-Feu. Dans le massif du Grand Ballon notre Pensée n'est représentée que par des fleurs jaunes ou jaunâtres.

Le nom de Pensée paraît si naturel pour cette grosse violette que les peuplades vosgiennes ne lui ont attribué aucun autre nom : dans la vallée de Cleurie et au Tholy on dit même simplement la « Sauvaige Pensée ». "

 

Extrait d’un article d'Eric Walter dans le Bulletin officiel du Club Vosgien du 1er avril 1937 : « Les trois fleurs printanières caractéristiques des Hautes-Vosges »

 

 

Col du Calvaire / Tinfronce, juin 2016

Les Pensées et les Violettes représentent près de la moitié des 1000 espèces de la famille des Violaceae.

 

La Pensée de Vosges (Viola lutea) est une plante herbacée des prairies d'altitude des Vosges et du Massif central.

La floraison de juin à août colore les prés de fleurs violettes, jaunes, parfois bleues ou bicolores. Les fleurs sont constituées d’un calice à 5 sépales et d’une corolle à 5 pétales colorés ; les trois pétales inférieurs veinés de violet. Le pétale inférieur, plus grand, est en forme d'éperon, un éperon court, recourbé et épaissi au bout. Les feuilles sont lancéolées, dentées, avec des stipules profondément divisées.

 

Col du Calvaire / Tinfronce, juin 2016

Col du Calvaire / Tinfronce, juin 2016

Viola Lutea, notre Pensée des Vosges, est une espèce exclusivement limitée aux situations d’altitude. Elle ne s’observe pas spontanément en plaine.  Pourtant ...

 

Deux Pensées viennent colorer des zones de plaine très restreintes d’Europe de l’ouest, sans jamais s’en écarter spontanément ! Elles sont appelées par les « spécialistes » les « Zinc violettes ».

L'une à fleurs jaunes pousse sur les terrains des anciennes exploitations minières du Zinc, remontant pour certaines à l’époque romaine, situées entre Aix la Chapelle et Liège. Elle est également décrite sur les pelouses calaminaires de Mortagne du Nord et d’Auby dans le nord de la France.

L'autre à fleurs bleues est beaucoup plus limitée géographiquement et menacée d’extinction. Elle pousse dans les fossés et les talus formés par l’exploitation minière du plomb de l’époque médiévale à Blankenrode dans l’est de la Rhénanie Westphalie (Allemagne).

Après de nombreuses controverses, les études moléculaires mais également les études morphologiques (pollen, fleurs …) prouvent leur parenté très étroite avec Viola lutea dont elles ne seraient que des variétés, des sous espèces tout au plus.

Ainsi la « Zinc violette » à fleur jaune est elle à présent dénommée Viola lutea ssp calaminaria, et celle à fleur bleue Viola lutea ssp westfalica.

Aux yeux de certains scientifiques, Viola lutea et ses deux formes métallophytes pourraient être des reliquats des dernières glaciations, époque à laquelle elles étaient plus largement présentes en Europe. A la fin des glaciations, leur manque de compétitivité ne leur aurait permis de persister que sur des territoires difficiles, peu ou pas prisés par d’autres espèces susceptibles de les supplanter.

 

La similitude entre les territoires s’arrête là.

Si le sol des prairies sommitales vosgiennes est plutôt acide et peu riche, les mesures effectuées ne révèlent pas de pollution aux métaux lourds comme observé en plaine aux pieds des deux variétés calaminaires (Pb, Zn, Cd).

En milieu pollué, les mesures effectuées récemment montrent par ailleurs des teneurs en métaux inférieurs dans la plante par rapport à celles du sol et des teneurs dans les parties aériennes de la plante plus faibles que dans la zone racinaire. Ces observations suggèrent plus une aptitude à l’exclusion des métaux par la plante et leur tolérance dans le milieu qu’une capacité à les accumuler comme on peut le voir parmi d’autres espèces ; espèces utiles par exemple à la phytoremediation des sols ou à la phytoextraction pour de nouvelles « techniques minières ».

 

Quelle capacité cachée pouvait avoir notre petite relique glaciaire des prairies vosgiennes pour tolérer en plaine les sites pollués aux métaux lourds ?

La question demeure ... mais une piste est actuellement privilégiée par certains botanistes. Si les racines des Pensées vosgiennes apparaissent peu ou inconstamment mycorrhizées, celles des deux variétés des sites riches en métaux lourds sont franchement colonisées par des champignons du groupe des gloméromycètes (endomycorrhize à arbuscules et vésicules). Le champignon pourrait stocker la majorité des métaux parvenant aux racines dans sa paroi cellulaire fungique ou dans des vacuoles limitant au mieux l'accès des métaux à la plante. 

 

Une symbiose plante - champignon permettant ainsi le développement de la plante malgré un environnement toxique.

 

Col du Calvaire / Tinfronce, juillet 2016

Col du Calvaire / Tinfronce, juillet 2016

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Botineau M. Botanique systématique et appliquée des plantes à fleurs. Editions Tech et Doc Lavoisier

 

Bizoux JP. Biologie de la conservation d’une metallophyte endémique : Viola calaminaria. Thèse de doctorat en sciences agronomiques et ingénieurie biologique. Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux (Belgique) 2006.

 

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29/03/2018
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