Emanuele Coccia
Accueillir la lumière du soleil.
"Toute forêt fait de la vie une force qui permet d'accueillir la lumière du soleil dans le corps de Gaïa pour l'animer. En effet, grandir, pour chaque plante, c'est accumuler de la lumière dans son propre corps. Accumuler de plus en plus de lumière à partir d'une étoile extra terrestre. Chaque plante est donc un agent d'assimilation d'une matière extraterrestre qui vient d'une étoile dans le corps minérale de Gaïa. L'arbre, qu'on imagine comme l'expression la plus terrestre de la vie, contient et retient dans sa chair carbonique une lumière qui vient d'ailleurs. Une pomme, une poire, une pomme de terre : de petites lumières extraterrestres encapsulées dans la matière minérale de notre planète. C'est cette même lumière que chaque animal cherche dans le corps de l'autre lorsqu'il mange (peu importe s'il mange d'autres animaux ou des plantes) : tout acte d'alimentation n'est rien de plus qu'un commerce secret et invisible de lumière extraterrestre qui, à travers ces mouvements, coule de corps en corps, d'espèce en espèce, de royaume en royaume. Les vivants transforment les pierres en dépots stellaires."
Extrait de : Métamorphoses. Emmanuele Coccia. Bibliothèque Rivages. Editions Payot et Rivages. Paris 2020.
Pollution catastrophe.
Notre vie a été rendue possible par une gigantesque pollution, pollution par la prolifération massive des organismes douées de photosynthèse :
"L'univers que nous habitons est le fruit d'une catastrophe de pollution, que l'on appelle alternativement grande oxydation, holocauste de l'oxygène, ou catastrophe de l'oxygène ...
Le développement des premiers organismes capables de photosynthèse - les cyanobactéries - et le flux d'hydrogène provenant de la surface de la terre ont provoqué l'accumulation d'oxygène ... Avec le développement et la diffusion des plantes vasculaires, l'atmosphère s'est stabilisée ... La présence massive d'oxygène a entrainé l'extinction de nombreux organismes anaérobies qui peuplaient terre et mer, au profit de formes de vie aérobies."
Extrait de : Emanuele Coccia ; La vie de plantes. Une métaphysique du mélange. Editeur : Bibliothèque Rivages.
Autre lien : https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-03-janvier-2017
"L'origine de notre monde"
Quand un élève de lycée horticole devient maître de conférence en philosophie :
"L'origine de notre monde n'est pas dans un évènement, infiniment distant dans le temps et l'espace, à des millions d'années-lumière de nous - elle ne se trouve pas plus dans un espace dont nous n'avons plus aucune trace. Elle est ici, maintenant. L'origine du monde est saisonnière, rythmique, caduque comme tout ce qui existe. Ni substance ni fondement, elle n'est pas plus dans le sol que dans le ciel ; mais à mi distance entre l'un et l'autre. Notre origine n'est pas en nous - in interiore homine -, mais en dehors, en plein air. Elle n'est pas quelque chose de stable ou d'ancestral, un astre aux dimensions démeusurées, un dieu, un titan. Elle n'est pas unique. L'origine de notre monde ce sont les feuilles : fragiles, vulnérables et pourtant capables de revenir et revivre après avoir traverser la mauvaise saison."
Emanuele Coccia.
Extrait de : Emanuele Coccia ; La vie de plantes. Une métaphysique du mélange. Editeur : Bibliothèque Rivages.
Deux liens sur deux émissions de France culture pour retrouver l'auteur à l'occasion de la parution de son livre :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-discussions-du-soir/sinspirer-de-la-plante