Asteraceae
Centaurea groupe jacea, une fleur sensible aux butineurs.
L’inflorescence des Asteraceae est un capitule constitué d'un receptacle couvert dans sa partie inférieure de bractées stériles disposées en "involucre", puis regroupant sur sa partie supérieure un ensemble de petites fleurs élémentaires ou fleurons. Le capitule est donc une fleur « composée de » … d’où le nom ancien de cette famille « les composées » ; le nom d’avant la révolution cladistique et moléculaire.
Chaque fleur élémentaire ou fleuron est donc de petite taille, le calice est réduit, peu visible, les pétales de la corolle sont soudés formant un tube. L’ovaire est infère et le style terminé par deux stigmates portant de petites brosses de poils. Les cinq étamines sont attachées au bas de leur filet à la base de la corolle puis soudées par leurs anthères formant un manchon autour du style. La fente sur les anthères permettant la libération du pollen est tournée vers l’intérieur de ce manchon. Une anatomie des organes mâles et femelles qui préfigure une présentation du pollen dite « en piston ». Le style et son extrémité en brosse pouvant coulisser au sein du manchon formé par les anthères et pousser le pollen à son extrémité, disponible pour venir au contact d’un insecte.
La sous famille la plus connue et la plus importante est celle des des « asteroïdeae » ( pâquerette, marguerite, arnica ... ). Dans cette sous famille, la floraison du capitule est progressive, centripète, les fleurons « s’ouvrent » de l’extérieur du capitule vers l’intérieur. Le tube formé par les anthères se forme et se souleve lors de la croissance de la corolle et des étamines. Les organes mâles arrivent à maturité avant les organes femelles. Les deux stigmates du style immature, souvent tronqués avec des poils à l’extrémité, bloquent alors la partie inférieure de ce tube. Le pollen est libéré par les anthères à l’intérieur du tube et c’est la croissance du style au sein de ce tube qui va pousser le pollen vers l’extérieur, disponible pour la collecte et la dissémination par les insectes.
Centaurea fait partie d'une sous famille à priori plus primitive, celle des « carduoïdeae ». Cette sous famille comporte encore un réceptacle bombé, des bractées en écailles, parfois avec épines, et des fleurons tous tubulaires. On note tout de même chez certaines espèces des fleurons périphériques modifiés, plus visibles, conférant une plus grande attractivité pour les insectes à l’ensemble du capitule. Pourtant, la Centaurée fait preuve d'un certain perfectionnement évolutif dans son mécanisme de protection et d’exposition du pollen.
Le pollen n'est émis à l'extérieur de la fleur qu’en présence de l’insecte visiteur. La patte du butineur touche et irrite un ou plusieurs filaments des étamines déclenchant la contraction du ou des filaments. Cette contraction du filament provoque l’inclination du tube des anthères vers le filament touché en même temps que le coulissement du style encore immature dans le tube qui pousse et libère une fraction de pollen directement au contact de l’insecte. Seule une fraction du pollen est libérée à chaque stimulation par un insecte et une période de latence est nécessaire aux étamines avant que le mécanisme soit de nouveau fonctionnel. Il semble que 9 à 10 stimulations/contractions libèrent la totalité du pollen disponible dans le « tube ». Ce mécanisme perfectionné permet l’épargne et la protection du pollen contre le vent, la pluie, et peut être certains insectes non pollinisateurs. Il ne fonctionne d'ailleurs pas en présence d'eau libre dans la corolle et le nombre des contractions semble plus faible en période de grosses chaleurs.
Cette évolution pour protéger et limiter la dispersion inutile du pollen profite également à l'insecte pollinisateur puisqu'en se contractant et s’incurvant, les filaments s’écartent, créant plus d’espace entre eux, permettant également à l’insecte d’accéder plus aisément au nectar qu’il était venu chercher !
Détail de l'androcée, images et légendes : cliquer sur une image pour agrandir.
Les insectes butineurs et pollinisateurs en images : cliquer sur une image pour agrandir.
Toutes les remarques ou corrections concernant l'identification des insectes en image sont les bienvenues.
Références bibliographiques.
Small J. Irritability of the polle-presentation mechanism in the Compositae. Annals of Botany 1917 ; 31 : 261-268.
Percival M. Pollen presentation and pollen collection. New phytol 1950 ; 49 : 40-63.
Gardou C. Recherches biosystématiques sur la Section Jacea CASS. et quelques sections voisines du genre Centaurea L. en France et dans les régions limitrophes. Feddes Repertorium 1972 ; 83 : 311-472.
Faegri K. and Van Der Pijl L. The principles of pollination ecology. Third edition. Editions Pergamon Press 1979.
Brantjes NBM. Regulated pollen issue in Isotoma, Campanulaceae, and evolution of secondary pollen presentation. Acta Bot. Neerl. 1983 ; 32 : 213-22.
Meiri L. and Dulberger R. Stamen filament structure in the Asteraceae : the anther collar. New Phytol 1986 ; 104 : 693-701.
Leins P. and Erbar C. Secondary pollen presentation syndromes of the asterales. Bot. Jahrb. Syst. 2006;127 : 87-103.
Dupont F. et Guignard JL. Botanique, Les familes de plantes. 16ème édition. Editeur : Elesevier Masson. Issy les Moulineaux 2015.
Centaurea groupe jacea : identification d'espèce.
Centaurea jacea est une plante annuelle de la famille des Asteraceae, sous famille des Carduoïdés à laquelle appartiennent également le bleuet, les chardons, les cirses, la bardane. Son inflorescence est composée de nombreux fleurons tubuleux disposés en capitule au sommet d’un involucre de nombreuses bractées (ou écailles) se chevauchant et dont la forme n’est pas sans rappeler la tête de l’artichaut qui appartient d’ailleurs à la même famille.
Sa taille varie de 30 à 60 cm de haut, les feuilles sont entières, ovales à lancéolées, l’involucre est globuleux de 1 à 1,5cm de large. Sur les fleurs, de couleur rose à pourpre, les fleurons extérieurs peuvent être plus développés polylobés et rayonnants.
De Pors Peron à la pointe de Beuzec (29) ; 7 août 2019.
Une première distinction peut être faite avec Centaurea scabiosa qui peut atteindre 120 cm de haut et dont les feuilles sont complètements divisées en segments entiers. L’involucre est plus large jusqu’à plus de 2 cm.
Au sein d’un groupe dénommé Centaurea jacea « au sens large », la forme des écailles et de leurs appendices mais aussi l’aspect des fleurs, toutes tubulaires ou avec des extérieures rayonnantes, sont classiquement utilisés comme caractères de classification des Centaurées de ce groupe.
Centaurea jacea :
- les fleurons de la périphérie sont plus grands que ceux du centre, rayonnants et stériles.
- les écailles de l’involucre ont des appendices entiers ou irrégulièrement lacérés
- préférence méditerranéenne, pelouse sèches calcaires.
Centaurea nigra :
- les fleurons sont homogènes, tous tubulaires.
- les écailles de l’involucre ont des appendices pectinés, à cils longs, flexueux, souvent entremêlés.
- préférence atlantique, prairies neutres et acides humides.
Les images de cet articles illustrent les difficultés d'identification que j'ai pu rencontrer, me poussant à approfondir le sujet.
Les feuilles lancélolées non découpées permettaient d'exclure C. scabiosa. Les fleurons périphériques bien rayonnant orientaient vers C. jacea, néanmoins la situation atlantique et les appendices très découpés et couvrant de l'involucre de bractées bien visibles sur l'image ci dessus étaient plus en faveur de C. nigra.
Pour certains auteurs ces caractères apparaissent depuis bien longtemps inconstants et, de fait, leur utilisation doit être discutée. Les travaux taxonomiques menés au sein de ce groupe aboutissant selon les auteurs et les études de une seule espèce polymorphique jusqu’à une douzaine d’espèce différents.
Les croisements entre les taxons présumés, y compris les plus « éloignés » (nigra et jacea) sont possibles et produisent une descendance viable ; l’hybridation des caractères ajoutant d’ailleurs à la difficulté d’une éventuelle identification. Ceci, en plus de l’absence d’une distinction morphologique stable et d'une homogénéité de structure pollinique pourrait donc être le fait d’une seule espèce biologique constituée de sous-espèces ou variétés.
Joli clin d'oeil à l'interdépendance évolutive plante/animal, pour un auteur britannique, la proximité de croissance de Centaurea scabiosa et Centaurea nigra sur certains sites pourrait être à l’origine d’une compétition vis à vis des pollinisateurs à priori en défaveur de Centaurea nigra. Sur ces sites, pour palier à cette difficulté Centaurea nigra aurait pu évoluer vers une forme à capitule avec fleurons périphériques développés comme Centaurea scabiosa pour acquérir le même pouvoir attractif visuel et aurait également retardé de quelques semaines sa période de floraison.
Désormais, par la puissance de la biologie moléculaire, Centaurea jacea et Centaurea nigra sont considérés comme faisant partie d’un même complexe certes polymorphe mais monophylétique : Centaurea groupe jacea.
De Pors Peron à la pointe de Beuzec (29) ; 7 août 2019.
à suivre ...
Support bibliographique :
Müller H. Polymorphism of the Flower-heads of Centaurea Jacea. Nature 1882 ; Jan 12 ; 241.
Gadeceau E. Observations critiques sur le groupe de Centaurea jacea L. Bulletin de la société botanique de France 1920 ; 67 : 56-64.
Gardou C. Recherches biosystématiques sur la Section Jacea CASS. et quelques sections voisines du genre Centaurea L. en France et dans les régions limitrophes. Feddes Repertorium 1972 ; 83 : 311-472.
Lack A. Competition for pollinators and evolution in Centaurea. New phytol. 1976 ; 77 : 787-92.
Garcia-Jacas N. et coll. The natural delimitation of Centaurea (Asteraceae : Cardueae) : ITS sequence analysis of the Centaurea jacea group. Plant. Syst. Evol. 2000 ; 223 : 185-99.
Hardy OJ et coll. Ecological, morphological and allozymic differenciation between diploid and tetraploid knaweeds (Centaurea jacea) from a contact zone in the Belgian Ardennes. New phytol 2000 ; 146 : 281-90.
Dupont F. et Guignard JL. Botanique, Les familes de plantes. 16ème édition. Editeur : Elesevier Masson. Issy les Moulineaux 2015.
L'Immortelle des dunes
Helichrysum stoechas (Asteraceae), l'Immortelle des dunes.
Quelques mots sur la grande famille des Astéraceae.
Avec plus de 23000 espèces, majoritairement présentes dans les régions tempérées, la famille des Asteraceae est la plus importante et une des plus évoluées, des plantes à fleur.
Par œuvre de simplification, miniaturisation et condensation l’inflorescence a pris la forme d’un capitule.
Le capitule est formé de bractées à sa base, d’un réceptacle globuleux à plat sur lequel sont rassemblées les fleurs « miniaturisées ».
Les pétales de cette « mini fleur » sont :
- soit condensés en une seule lèvre ou ligule terminée par trois ou cinq petites dents, fleurs ligulées. Dans le cas de la Piloselle, du Pissenlit, de la Chicorée sauvage ... le capitule est unique et ses fleurs sont ligulées.
- soit réduits à un tube, fleurs tubulées. Ici, pour l’Immortelle (voir dernière photo), les fleurs du capitule sont tubulées.
Certaines plantes associent les deux types de fleurs, ligulées en périphérie et tubulées au centre : le Tussilage, la Pâquerette, la Marguerite, l'Arnica ...
Autre caractéristique de cette famille, les étamines sont soudées par les anthères formant un manchon autour du style, l’extrémité de l’organe femelle.
Ainsi, dans cette famille, ce qui est couramment considéré comme une fleur de Pissenlit, une fleur de Marguerite est en réalité une multitude de fleurs miniaturisées et rassemblées sur un même support, permettent une pollinisation plus importante par les insectes et une formation accrue de graines …
Le genre Helichrysum compte plus de 500 espèces réparties dans le monde.
Helichrysum est issu du grec Helios, le soleil, et Chrysos, l'or, illustrant la couleur jaune d’or de la fleur. Son appellation française d'Immortelle viendrait de la conservation de ses bouquets secs.
Helichrysum stoechas, l’Immortelle des dunes, est présente dans les régions méditerranéennes intérieures et littorales et sur le littoral atlantique jusqu’au Finistère. C’est une plante des milieux secs. Sur le littoral elle est notamment présente sur les dunes. Ne supportant pas l’ensablement, elle est un indicateur intéressant de la stabilisation de la dune.
L’Immortelle des dunes est une plante vivace, en touffes constituées de tiges de 10 à 50 cm (première photo ci dessous). Les feuilles sont étroites, blanc-gris à verdâtres, velues.
L’inflorescence est constituée de petits capitules globuleux de fleurs jaune d’or toutes tubulées ; capitules entourés de bractées écailleuses et sèches puis regroupés en corymbe. L'inflorescence attire de nombreux pollinisateurs (photos ci-dessous).
L'Immortelle ou Hélichryse est très recherchée pour ses utilisations médicinales, plus particulièrement en aromathérapie.
Une thèse d’exercice soutenue récemment à la faculté de pharmacie de l’université de Lorraine (document accessible par ce lien) souligne la nécessité de faire des distinctions entre l'Hélichryse italienne, Helichrysum italicum, ses sous-types, ses biotopes et les autres espèces d’Hélichryses.
L’Hélichryse italienne est présente sous plusieurs sous espèces dans tout le pourtour méditerranéen mais ne remonte pas comme l'Immortelle des dunes, Helichrysum stoechas, le long du littoral atlantique français.
Les « meilleures chémotypes » d’huile essentielle de l’Hélichryse italienne ont des propriétés reconnues : anti-hématome, anticoagulante, tonique de la circulation artérielle, antiseptique, cicatrisante, décongestionnante des tissus, anti-inflammatoire et antalgique.
Sous réserve d’une éventuelle variabilité en fonction du biotope, ce travail de thèse nous indique que ces propriétés thérapeutiques de l'huile essentielle de l'Hélichryse italienne ne peuvent être reconnues à l’huile essentielle de l’Immortelle des dunes en raison de l’absence des cétones et des esters de néryl qui en sont majoritairement à l’origine.
Dupont F, Guignard JL, Botanique. Les familles de plantes. 16ème édition. Editions Elsevier Masson.
Bock C, Guide des plantes des bords de mer. Atlantique et Manche. Editions Belin.
Reille M, Dictionnaire visuel de botanique. Editions Ulmer.
Degrelle M, Les hélichryses (ou immortelles) en aromathérapie : zoom sur l’Hélichryse italienne corse. Thèse de doctorat d'exercice en pharmacie. Université de Lorraine, avril 2015.
Dunes de Mesperleuc, Plouhinec (29), le 22.07.2016
Dunes de Mesperleuc, Plouhinec (29), le 17.07.2016
Dunes de Mesperleuc, Plouhinec (29), le 19.07.2016
Dunes de Mesperleuc, Plouhinec (29), le 19.07.2016
Dunes de Mesperleuc, Plouhinec (29), le 19.07.2016
Famille des Asteraceae, capitule à fleurs tubulées : Immortelle des dunes. Plouhinec (29), juillet 2016
Flèche bleue : capitule de fleurs entouré de bractées scarieuses.
Flèche verte : fleur tubulée, corolle à cinq petites dents rappelant cinq petits pétales.
Flèche noire : manchon formé par la soudure des anthères (app. mâle) contenant le pollen.
Flèche rouge ; stigmates, extrémité de l'app. femelle dépassant du manchon.