Ataraxie

Ataraxie

Hymenoptères.


La course folle du bourdon.

« Les abeilles sont des conteuses.

Elles ont cette extraordinaire capacité d’indiquer à leurs sœurs la direction, la distance et la qualité des sources de nectar ou de pollen qu’elles viennent de découvrir.

La danse frétillante des abeilles.

Ce récit qui prend la forme d’une danse sonore, dans l’obscurité du nid ou de la ruche.

La danse frétillante est une chorégraphie durant laquelle l’abeille revit sous une autre forme le voyage et la découverte qu’elle vient de vivre.

...

Ce que l’on sait, c’est que ses sœurs sont capables de déchiffrer la signification du récit auquel elles assistent. Ou, tout du moins, de se l’approprier, puis de revivre, sous la forme d’un véritable voyage, la danse qu’elles ont observée et appréciée. »

 

Extraits de : Jean Claude Ameisen. Sur les épaules de Darwin. Je t’offrirai des spectacles admirables. Coéditions  Babel/France inter. Des liens qui libèrent, 2013.

 

Les abeilles au jardin. Colmar le 9 juin 2016

Les abeilles au jardin. Colmar le 9 juin 2016

Les abeilles au jardin. Colmar le 9 juin 2016

Les abeilles au jardin. Colmar le 9 juin 2016

Le mode de communication des bourdons butineurs de retour au nid a également suscité la curiosité des chercheurs.

 

La transmission d’information sur les sources de nectar ou de pollen est vitale pour la colonie. Elle diminue le temps passé par chaque ouvrière à trouver une nouvelle ressource et améliore l’efficience de la collecte.

Contrairement à l’abeille, le bourdon ne peut pas communiquer sur la géographie des ressources. Il va informer la colonie de la disponibilité des fleurs, permettre la reconnaissance de leur parfum et surtout, inciter ses congénères à partir butiner.

 

De retour au nid, le butineur se met en quête de « pots à miel » disponibles pour y décharger son butin. Il se livre ensuite à une course folle à travers le nid, bousculant ses congénères, agitant ses ailes en mouvements totalement anarchiques, tout en se nettoyant le corps. La durée de ces cavalcades diminuera au fil de ses retours d’un même site.

Les bourdons du nid ne tentent pas de le suivre. Ils observent. Ils se rassemblent autour des pots nouvellement remplis, goûtent le nouveau nectar.

Au fil des retours du butineur, la colonie s’agite progressivement, les déplacements des bourdons dans le nid passant en une demi heure de 0,40 cm/s à 1,18 cm/s.

 

Cette frénésie croissante de la colonie résulte t’elle simplement de l’agitation anarchique du butineur de retour ?

Phénomène surprenant, cette effervescence, invisible puisque produite dans l’obscurité du nid, peut être transmise sans contact à un nid voisin mais, n’est plus transmise lorsqu’un film plastique sépare les deux nids.

Les chercheurs ont relié deux nids distants de plus de 1,5 mètres par un fin tube de verre avec une pompe à air. Par ce biais, malgré la distance, l’augmentation d’activité d’une colonie provoque l’augmentation d’activité de la seconde, suggérant fortement l’intervention d’une substance volatile.

 

Des extraits de différentes glandes du bourdons ont été testés. Parmi tous les extraits, l’extrait issu de la cuticule du dernier couple de tergites (VI et VII), à l’extrémité de l’abdomen, a déclenché la même agitation dans le nid que le retour d’un butineur. Une découverte qui confirmait l’hypothèse d’une phéromone d’alerte émise par le butineur et diffusée dans l’atmosphère de la colonie lors de sa course folle et l’agitation désordonnée de ses ailes.

Dès lors, il restait à identifier cette phéromone.

 

Les molécules présentent dans l’atmosphère du nid ont été analysées avant et pendant la course désordonnée du butineur de retour. De même, des extraits obtenus à partir des tergites distaux de l’abdomen ont été analysés chez des bourdons butineurs avant puis à leur retour d’une source alimentaire. Trois composés apparaissaient franchement sur les tracés chromatographiques au retour d’une source alimentaire, tant dans l’atmosphère du nid que dans les extraits animaux : l’eucalyptol, le farnésol et l’ocimène. Les essais menés par la suite soulignaient le rôle majeur de l’eucalyptol, capable, à lui seul, de faire sortir du nid pour butiner, en moins de 15 minutes, la totalité d’un groupe de 17 bourdons.

L’eucalyptol ainsi émis et disséminé anarchiquement dans toute la colonie par le butineur à son retour, remplit son rôle de « phéromone d’alerte ». Une phéromone qui provoque l’effervescence de la colonie et la sortie des autres butineurs en quête du nectar.

 

Il semble toutefois que cette « phéromone d’alerte » ne participe pas à l’apprentissage du parfum de la fleur ciblée. Le parfum dégagé par le nectar déposé dans les « pots à miel » suffit à cet apprentissage. Une reconnaissance accrue par la possibilité pour les futurs butineurs de goûter ce nectar. Une reconnaissance et un intérêt pour les membre de la colonie particulièrement exacerbés lorsque ce nectar odorant est déposé au nid par un butineur de la colonie.

L’apport par un butineur de la colonie d’un parfum floral inconnu semblant, pour le bourdon, être une des clés pour son apprentissage et sa reconnaissance hors du nid.

 

Sources bibliographiques :

 

Dornhaus A and Chittka L. Food alert in bumblebees (Bombus terrestris) : possible mechanisms and evolutionary implications. Behav Ecol Sociobiol 2001 ; 50 : 570-6.

 

Dornhaus A et coll. Bumble bees alert to food with pheromone from tergal gland. J Comp Physiol A 2003 ; 189 : 47:51

 

Granero AM et coll. Chemical compounds of the foraging recruitment phéromone in bumblebees. Naturwissenschaften 2005 ; 92 : 371-4.

 

Molet M et coll. How floral odours are learned inside the bumblebee (Bombus terrestris) nest. Naturwissenschaften 2009 ; 96 : 213-9.

 

Jean Claude Ameisen. Sur les épaules de Darwin. Je t’offrirai des spectacles admirables. Coéditions : Babel/France inter. Des liens qui libèrent, 2013.

 


02/03/2019
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Le bourdon terrestre.

Bombus terrestris, le bourdon terrestre est un insecte familier du jardinier et du promeneur, butineur assidu de nombreuses plantes fleuries.

Ses grandes facultés d’adaptation lui permettent d’être présent dans de nombreuses régions du globe, y compris les régions froides et les régions d’altitude comme l’illustrent ici sa présence tant sur le littoral finistérien que sur le haut des crêtes vosgiennes.

Le bourdon terrestre est un hyménoptère social (Hymen : membrane et pteron : aile) au même titre que l’abeille domestique (Apis melifera). Son corps sombre, trapu et velu est coloré d’une bande jaune sur le thorax, d’une seconde sur l’abdomen et d’une extrémité blanche. Des caractères morphologiques qui ne facilitent pas la distinction avec Bombus lucorum (bourdon des saussaies) ou Bombus hortorum (bourdon des jardins). Il possède trois paires de pattes dont la dernière, non velue, est utilisée pour le transport des pelotes de pollen. Sur la tête, trois ocelles captent les variations d’intensité lumineuse et deux gros yeux composés permettent la perception des couleurs à l’exclusion du rouge mais incluant l’ultra- violet. Les odeurs sont perçues grâce à deux antennes. Enfin, il accède par succion au nectar des fleurs grâce à un proboscis de 8 mm qui le range parmi les espèces à langue courte.

Contrairement aux colonies pérennes des abeilles, le cycle biologique du bourdon est annuel avec une première phase de génération d’ouvrières suivi d’une seconde phase de génération d’individus sexués : mâles et nouvelles reines.

Les bourdons, comme les abeilles, sont haplodiploïdes : les femelles sont diploïdes (deux jeux de chromosomes), issues d’œufs fécondés alors que les mâles sont très majoritairement haploïdes (un seul jeu de chromosomes) et issus d’œufs non fécondés.

 

Bourdon butinant une fleur d'Ail à tête ronde, dune côtière de Mesperleuc ( Plouhinec 29), le 14 juillet 2016.

Bourdon butinant une fleur d'Ail à tête ronde, dune côtière de Mesperleuc ( Plouhinec 29), le 14 juillet 2016.

Bourdon butinant une fleur d'Ail à tête ronde, dune côtière de Mesperleuc ( Plouhinec 29), le 14 juillet 2016.

Bourdon butinant une fleur d'Ail à tête ronde, dune côtière de Mesperleuc ( Plouhinec 29), le 14 juillet 2016.

A sa sortie d’hibernation, vers mi-mars, une jeune reine fonde seule une nouvelle colonie. Elle commence par se réchauffer et se nourrir abondamment de nectar et de pollen pendant quelques semaines avant de se mettre en recherche d’un site de nidification, sous le sol, le plus souvent à moins d’un mètre de profondeur. Elle aménage son nid, construit une cellule de ponte qui sera ensuite recouverte de cire, un petit pot à miel pour les premières récoltes de nectar qu’elle effectue elle même.

Elle assure la fondation de sa nouvelle colonie à partir des spermatozoïdes accumulés dans sa spermathèque. Elle commence par pondre et couver une dizaine d’œufs. Les œufs deviennent des larves, puis des nymphes avant d’atteindre le stade adulte d’ouvrières.

Par la suite, la reine ne sortira plus du nid. Ses pontes discontinues se succèderonnt par vagues, les cellules de ponte seront construites au fil des besoins par les ouvrières.

 

La colonie peut compter de quelques dizaines à quelques centaines d’individus.

Si la reine peut vivre de 12 à 15 mois, les ouvrières ne vivent que 3 semaines à 5 mois selon la saison et leur activité dans la colonie.

 

Au sein de la colonie les ouvrières se partagent les taches d’intérieur et les taches d’extérieur. Les ouvrières effectuent le nettoyage du nid, la construction et réparation des pots à miel et des cellules de ponte, d’autres s’occupent des soins, de l’incubation de œufs et de l’alimentation des larves, de la régulation de la température (32,5 à 35,5°C), du taux de CO2 et d’humidité, des gardiennes assurent la défense du nid. Une couche de cire autour du nid contribue à la protection du nid contre les agressions, les variations d’humidité et de température. A l’extérieur, les butineuses (environ un tiers de la colonie) assurent le ravitaillement de la colonie sur un rayon de 500m à 1500m autour du nid.

 

Si la récolte du nectar demande peu de savoir faire, la récole du pollen nécessite un temps d’apprentissage. Les premiers jours, les butineuses débutantes peinent à récolter le pollen, à constituer des pelotes et à les ramener au nid. Leur capacité à approvisionner la colonie s’améliorera au fil des sorties. Le pollen et le nectar sont stockés dans des cellules ou « pots à miel ». Le nectar y évoluera en une sorte de miel avant que le « pot » soit recouvert de cire pour sa conservation. Le pollen est la source principale de protéines, lipides et autres sucres à destination des larves. La cire produite et utilisée par la colonie pour la protection des cellules ou du nid est économisée et fait l’objet d’un recyclage constant.

 

Un bourdon portant ses pelotes de pollen et butinant parmi les fleurs composant l'inflorescence du Panicaut des dunes. Dunes du Trez Goarem à Esquibien/Audierne (29), le 5 août 2016.

Un bourdon portant ses pelotes de pollen et butinant parmi les fleurs composant l'inflorescence du Panicaut des dunes. Dunes du Trez Goarem à Esquibien/Audierne (29), le 5 août 2016.

La phase dite « sociale » est une phase de croissance et de "montée en force" de la colonie. Durant cette période, la ponte des ouvrières est assurée uniquement par la reine, les soins aux jeunes individus de la colonie et les taches matérielles sont pris en charge par le nombre croissant des ouvrières.

Cette première phase est suivie par une phase dite « reproductrice » ou "de compétition" avec génération d’individus sexués (jeunes reines et mâles) par la reine mais également l'apparition progressive d'un comportement moins « altruiste » parfois même agressif de certaines ouvrières qui pourront pondre leur propres œufs, des œufs non fécondés produisant des individus mâles. Des lipides sécrétés au niveau de la cuticule des bourdons s’accumulent au fil du temps dans la cire produite et recyclée par la colonie. Reflet de l’âge de la colonie, du nombre de ses individus, et de la maturité de la colonie, cette empreinte lipidique de la cire pourrait être un des facteurs responsable de la désinhibition des ouvrières et du passage à cette seconde phase.

 

Les jeunes reines et les mâles quittent le nid quelques jours après leur naissance. Les jeunes reines sont susceptibles de s’accoupler avec plusieurs mâles mais un seul accouplement sera fécond.

Dans la colonie, le désordre s'accentue, le butinage diminue, les réserves baissent, le nombre d’ouvrières décroît, puis la reine et les dernières ouvrières s’éteignent.

Les jeunes reines fécondées entrent en hibernation (diapause) vers mi septembre. Elles passeront l’hiver à l’abri du soleil dans un endroit froid et sec, sous une couverture végétale, ou dans une cavité.

 

Les fleurs de la Gentiane jaune sont rassemblées en un pseudo-verticille. Le bourdon récolte tranquillement pollen et nectar d'une fleur à l'autre. Crêtes vosgiennes entre le Kastelberg et le Hohneck, le 24 juin 2018

Les fleurs de la Gentiane jaune sont rassemblées en un pseudo-verticille. Le bourdon récolte tranquillement pollen et nectar d'une fleur à l'autre. Crêtes vosgiennes entre le Kastelberg et le Hohneck, le 24 juin 2018

 

Sources bibliographiques.

 

Pouvreau A. Les bourdons pollinisateurs menacés. Courrier de l’environnement de l’INRA 1993 ; n°19 : 63-70.

 

Diane Lefebvre. Approvisionnement en pollen et en nectar des colonies de bourdons Bombus terrestris. Ecologie comportementale et modélisation. Implications pour la pollinisation des fleurs de tomate en serre. Thèse de doctorat de l’université. Rennes le 20 juillet 2004

 

Boyer P. Abeilles sauvages. Octobre 2015 ; Editions Ulmer.

 

Rottler-Hoermann AM et coll. Nest wax triggers worker reproduction in the bumblebee Bombus terrestris. Royal Society Open Science 2016 ; 3 :150599.

 

 

 

 


05/01/2019
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