Lentibulariaceae
Pinguicula, une plante carnivore, mais pas seulement !
Pinguicula vulgaris (Lentibulariaceae) est une espèce européenne observable des Pyrénées jusqu'au Groenland.
Elle est notamment présente au dessus du cercle polaire arctique, en Norvège sur l'archipel des Vesteralen.
Pinguicula vulgaris affectionne les milieux humides au substrat pauvre, acide, mais plus riches en insectes.
Les insectes semblent être attirés par l'aspect brillant des glandes qui couvrent la surface de ses feuilles. L'odeur des proies en décomposition pourrait également participer à l'attraction car, si elle met longtemps à attraper la première proie, elle est ensuite plus rapidement couverte par d'autres.
La carnivorie de Pinguicula repose sur deux types de glandes surtout présentes à la surface des feuilles
Les glandes pédonculées et les glandes sessiles plus courtes.
Les glandes pédonculées sécrètent un mucilage collant responsable de la capture de la proie mais ne jouent qu'un rôle mineur dans sa digestion. Les glandes sessiles sont le site principal de production des enzymes de digestion.
La viscosité du mucilage est adaptée à la taille des petits insectes à capturer. Elle limite également l'abrasion de la surface de la feuille lorsque la proie se débat.
Les feuilles sont capables de mouvements lents en quelques heures voire quelques jours. Elles s'incurvent légèrement non pour le maintient de la proie mais pour garder les sécrétions en place.
La sécrétion enzymatique ne concerne pas toute la feuille mais reste localisée au pourtour de la proie.
Couvertes par une proie, les glandes et les cellules de la feuille perdent localement leur turgescence pour améliorer leur contact puis former en quelques heures un petit bol contenant les sécrétions digestives dans lesquelles baignera la proie.
Le mucilage collant, enrichi et acidifié par le pool des secrétions enzymatiques, permet la digestion puis le transport des nutriments de la proie vers la plante.
Des essais ont prouvé l'absorption de nutriments depuis les proies au profit de la plante.
Lors d'apport de protéines marquées au carbone14 à Pinguicula, le carbone14 a été retrouvé au centre de croissance de la plante après un délai de digestion de 2h.
Une culture de Pinguicula qui « végétait » en milieu pauvre en azote et phosphore a repris sa croissance et sa floraison lorsque les feuilles ont été supplémentées en pollen de pin.
En milieu naturel, du fait de l'ouverture du piège, du pollen et des graines peuvent être également attrapés et digérés.
Une enzyme encore jamais identifiée dans les sécrétions digestives des plantes carnivores a été récemment mise en évidence. L'alpha-amylase est une enzyme permettant l'hydrolyse de l'amidon, un polymère de glucose produit par les plantes vertes comme réserve énergétique.
Pinguicula, plante carnivore, est ainsi la seule plante herbivore.
Chez trois genres de plantes carnivores, de l'ordre des Caryophyllales, Drosera, Dionée et Népenthès, le contact d'une proie déclenche un signal électrique et la production localisée de jasmonate pour assurer la capture de la proie. Cette voie présente chez toute plante permet l'activation d'un mécanisme de défense au niveau systémique après une attaque d'herbivore.
Le genre Pinguicula appartient à l'ordre des Lamiales, un ordre éloigné de celui des Caryophyllales.
Comme pour toute plante, mimant une attaque herbivore, une blessure de la plante par une aiguille entraîne bien une augmentation de jasmonate.
En revanche, la capture d'une proie ne déclenche aucun signal électrique dans la feuille et le niveau de jasmonate n'augmente pas 2h ou 24h après avoir nourri Pinguicula avec une mouche.
L'application de jasmonate exogène à Pinguicula n'induit pas d'activité enzymatique et ne mime pas la présence d'une proie contrairement à la réponse des Caryophyllales au jasmonate exogène.
L'absence de production de jasmonate chez Pinguicula est cohérente avec l'absence de signal électrique dans le système de détection de proie contrairement à Drosera et Dionea.
Chez Pinguicula l'activation des glandes digestives se limite à la libération du fluide digestif en réponse à un stimulus chimique de la proie sur les glandes à son contact.
Le début de la sécrétion est consécutif à un mouvement rapide d'ions chlorure suivi par un flux aqueux à travers les glandes, entraînant les enzymes stockées dans les cellules des glandes vers l'extérieur. Les glandes restent actives pendant le processus de sécrétion et des enzymes supplémentaires sont encore synthétisées et sécrétées dans le fluide digestif après la stimulation.
Le type de signal impliqué après la capture de la proie reste non connu.
Ces données sont issues de deux articles :
The genus Pinguicula L. (Lentibulariaceae) : an overview. Legendre L. Acta Bot Gallica 2000 ; 147(1) : 77-95.
Jasmonate-independent regulation of digestive enzyme activity in the carnivorous butterwort Pinguicula x Tina. Kocab O et al. Journal of Experimental Botany 2020 ; 71 (12) : 3749-58.