Aconit : la charbonnière du Hohneck.
Venant du Kastelberg, sur le sentier des crêtes en direction du Hohneck, passé les arêtes du Spitzkoepfe, s'ouvre sur le versant alsacien, le vaste cirque glaciaire du Wormspel ...
"Cependant ... que nous avons à nos pieds, dans les escarpements ... du Worspel, tant de jolies plantes à cueillir, nous ne pouvons rester longtemps inactifs.
Allons-y donc, dans ces escarpements.
...
Laissez-moi pourtant vous raconter encore une petite histoire relative à la Flore du Hohneck ... vous parler un peu poison à propos de l'Aconit, qui se trouve en abondance dans ces couloirs à pic d'où nous venons. Cette histoire vous prouvera que les connaissances botaniques sont utiles, aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre, et elle vous rappellera aussi que si vos grand-pères, du moins quelques-uns, furent des botanistes émérites, vos grand'mères, du moins l'une d'elles, ne le leur cédaient en rien.
C'était (dit l'histoire du charbonnier du Hohneck, rapportée par X. Thiriat), pendant l'invasion de 1814. Un détachement de cosaques pilla la cabane du charbonnier, tua sa mère et ses trois enfants.
En rentrant avec sa femme et, voyant à son retour, les siens tués et la cabane ruinée, il voulut se venger et sauta sur son fusil. Laisse faire, lui dit sa femme : ils sont trop, tu ne pourras en tuer qu'un et les autres te tueront à ton tour. Laisse-moi faire, et pendant que tu enterreras ma mère et nos enfants, je me vengerai.
L'homme écouta. Elle descendit dans les escarpements, cueillit de l'Aconit, le mélangea à quelques légumes échappés au pillage, puis alla s'offrir comme cuisinière au camp ennemi. Elle fut acceptée, prépara le souper et versa dans la marmite les légumes qu'elle avait apportés et s'esquiva.
Le lendemain, au point du jour, elle conduisit son mari sur la montagne; tous les cosaques étaient morts, leurs cadavres étaient raidis par la gelée et gisants sur le sol.
Dans son horreur, cette légende est éloquente encore au point de vue botanique.
Aujourd'hui, les cosaques ne sont plus chez nous. Les temps ont bien changé, mais l'Aconit ... est toujours là ! Qui sait si nous n'avons pas, maintes fois, nous-mêmes, touché à la plante qui a fourni le poison à la femme du charbonnier ?"
Extrait de : Brunotte C. La flore des Hautes-Vosges et ses plantes officinales : conférence du 3 mai 1903, à la Ligue de l'enseignement à Gérardmer. Éditeur : Berger-Levrault et Cie, Nancy 1903. lien bnf.1
Le Pr Camille Brunotte enseignait tout début du 20ème siècle à l'Ecole supérieure de pharmacie de Nancy.
Une version plus exhaustive de l'histoire "La charbonnière du Hohneck" est contée dans le numéro de 1904 de la revue régionale "Le pays lorrain" pages 354-356. lien bnf.2
L'Aconit est à suivre dans les articles suivants : "Autre horizon" et "Le capuchon de moine".
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