Aconit : le capuchon de moine.
"Il est certain que de tous les poisons le plus prompt est l'aconit ... C'est ce poison qui, d'après la mythologie, naquit de l'écume de Cerbère tiré des enfers par Hercule, et qui, pour cette raison, abonde dans les environs d'Héraclée du Pont, où l'on montre le trou conduisant aux enfers."
Pline l'ancien. Histoire naturelle. Tome second. Livre XXVII
L'Aconit napel (Aconitum napellus, Ranunculaceae)
est une vivace des lieux humides, ombragés et rocheux des régions montagneuses. Selon les régions, elle est aussi appelée Casque de Jupiter, Tue Loup, Char de vénus ou encore Capuchon de moine.
Les feuilles, très découpées (segments lancéolés étroits), vert foncé, sont disposées de façon alternes et la tige robuste peut dépasser un mètre de hauteur. La racine tuberisée en forme de petit navet, d'où son nom de "napel", est généralement double. L'une qui flétrit pendant le developpement de la partie aérienne et la seconde en developpement qui portera la tige de l'année suivante.
La floraison se déroule de juin à septembre. L'inflorescence est constituée de grappes de fleurs bleues à violacées formées d'un calice de cinq sépales pétaloïdes dont le supérieur est en forme de casque, de nombreuses étamines disposées en spirale et de trois à cinq carpelles. Les fruits sont des follicules à graines noires.
L'Aconit tue-loup (Aconitum lycoctonum, Ranunculaceae)
plus rare, se développe souvent au côté de l'Aconit napel, dans les mêmes milieux. Elle diffère principalement par ses fleurs jaune pâle en forme de casque plus étroit et plus allongé.
Si la composition en alcaloïdes présente quelques différences, les deux plantes sont comparables sur le plan toxicologique.
L'usage "violent" de l'Aconit semble remonter à l'aube de l'histoire humaine. L'Aconit est citée dans la mythologie grecque et les récits de l'antiquité. Toutefois, un doute existe, à travers certains textes des Anciens, sur une éventuelle confusion entre le genre actuel Aconit et une Doronic (Doronicum perdalianches, Astéraceae), plante proche de la marguerite, pourtant peu toxique ?
Plus tard, on retrouve l'Aconit dans la littérature policière puis, plus récemment, dans des séries policières télévisées.
En Europe, les préparations à base d'Aconit ont été utilisées dans le traitements des névralgies douloureuses et congestives, des douleurs rhumatismales, également comme hypothermisantes et comme sédatives de la toux. Elles ont toutes été abandonnées à l'exception de préparations homéopathiques. De ce fait, les intoxications accidentelles ou intentionnelles restent relativement rares en Europe par rapport à l'Asie où elles sont beaucoup plus fréquentes en raison de l’utilisation d'espèces du genre Aconit en médecine traditionnelle.
En France, soixante seize cas on été recensés dans es centres antipoison depuis l'année 2000. Elles ont été récemment le fait de confusions botaniques : confusion entre feuilles de Coscoll et feuilles d'Aconit napel pour la préparation d'une salade, confusion entre follicules d'Aconit napel et haricots sauvages, décrites dans la littérature médicale.
Autrefois, l'Aconit a pu également être utilisée pour la préparation d'appâts empoisonnés à destination des renards et des loups.
Toutes les parties de la plante renferment des alcaloïdes toxiques dont le principal est l'aconitine.
L'aconitine prolonge l'activation des canaux sodiques voltage-dépendants des membranes cellulaires post synaptiques, bloquant la transmission de l'influx nerveux au sein des tissus nerveux (centraux et périphériques) et au niveau des plaques motrices des tissus musculaires et cardiaques.
Après ingestion, les premiers signes d'intoxication apparaissent entre 10 min et une heure : sensations de brûlures, picotements, fourmillements, engourdissement, de la bouche, la face, s'étendant par la suite aux quatres membres et à l'ensemble du corps, avec faiblesses musculaires et difficultés respiratoires. Ces signes neurologiques s'accompagnent de frissons, sudations, d'une salivation importante, de nausées, vommissements, diarrhées. Suivront ensuite les manifestations cardio-vasculaires : hypotension, tachycardie, puis troubles du rythme et de la conduction cardiaque potentiellement mortels.
Ovide - Les Métamorphoses - VII Thésée (VII, 404-452)
"Égée reçoit Médée dans sa cour. Déjà cette faiblesse le condamne. Mais, non content de lui donner un asile, il s'unit avec elle par les nœuds de l'hymen. Thésée venait d'arriver dans Athènes. Son bras avait purgé l'isthme des brigands qui l'infestaient. Il ignorait son illustre origine. Médée conspire contre les jours de ce héros. Elle prépare l'aconit qu'elle avait elle-même jadis apporté de Scythie, et qu'on dit être né de l'écume vomie par le chien des Enfers. Il est dans cette contrée une caverne dont l'entrée ténébreuse conduit à l'empire des morts. C'est par là qu'Hercule traîna l'affreux Cerbère attaché par des chaînes de diamant. Le monstre détournant ses yeux farouches, repoussait, la lumière et l'éclat du soleil. Tandis qu'il résistait en vain, irrité par sa rage, et de trois aboiements épouvantant les airs, il répandit son écume sur la terre. On dit qu'elle s'épaissit, et que, nourrie et fécondée par un sol fertile, elle devint le germe d'une plante, poison terrible que les habitants des campagnes appellent aconit, parce qu'elle croît sur les rochers, et qu'elle y vit longtemps. Trompé par les artifices de son épouse, Égée avait déjà présenté ce poison à son fils, comme à son ennemi. Thésée, sans défiance, tenait déjà la coupe fatale, lorsque jetant les yeux sur l'ivoire qui garnit son épée, Égée reconnaît son fils, écarte de sa bouche le funeste breuvage; et Médée n'échappe à la mort qu'en disparaissant dans un nuage obscur formé par ses enchantements."
Autres articles de ce blog consacrés à l'Aconit : "La charbonière du Hohneck" et "Autre horizon".
Pline l'ancien. Histoire naturelle. Tome second. Livre XXVII. http://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/livre27.htm
Ovide. Les Métamorphoses - VII Traduction (légèrement adaptée) de G.T. Villenave, Paris, 1806 http://bcs.fltr.ucl.ac.be/META/07.htm
Dupont F, Guignard JL. Botanique. Les familles de plantes. 16eme ed. Editeur Elsevier Masson. p 172-180
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Roser A, Les empoisonnements dans les romans de C.L.Grace. Thèse de doctorat d'exercice en pharmacie. Université de Lorraine, décembre 2012.
Simon N, Le poison dans l'histoire : crimes et empoisonnements par les végétaux. Thèse de doctorat d'exercice en pharmacie. Université de Lorraine, septembre 2003.
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