Ataraxie

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Lectures


Accueillir la lumière du soleil.

"Toute forêt fait de la vie une force qui permet d'accueillir la lumière du soleil dans le corps de Gaïa pour l'animer. En effet, grandir, pour chaque plante, c'est accumuler de la lumière dans son propre corps. Accumuler de plus en plus de lumière à partir d'une étoile extra terrestre. Chaque plante est donc un agent d'assimilation d'une matière extraterrestre qui vient d'une étoile dans le corps minérale de Gaïa. L'arbre, qu'on imagine comme l'expression la plus terrestre de la vie, contient et retient dans sa chair carbonique une lumière qui vient d'ailleurs. Une pomme, une poire, une pomme de terre : de petites lumières extraterrestres encapsulées dans la matière minérale de notre planète. C'est cette même lumière que chaque animal cherche dans le corps de l'autre lorsqu'il mange (peu importe s'il mange d'autres animaux ou des plantes) : tout acte d'alimentation n'est rien de plus qu'un commerce secret et invisible de lumière extraterrestre qui, à travers ces mouvements, coule de corps en corps, d'espèce en espèce, de royaume en royaume. Les vivants transforment les pierres en dépots stellaires."

 

Extrait de : Métamorphoses. Emmanuele Coccia. Bibliothèque Rivages. Editions Payot et Rivages. Paris 2020.

 

Lumière de Vosges. Labaroche (68)

Lumière de Vosges. Labaroche (68)


21/11/2020
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"Les plus utiles sont ceux qui gagnent le moins"

Extrait de "Emile ou de l'éducation" de  Jean Jacques Rousseau, publié en 1762.

 

Il y a une estime publique attachée aux différents arts en raison inverse de leur utilité réelle. Cette estime se mesure directement sur leur inutilité même, et cela doit être. Les arts les plus utiles sont ceux qui gagnent le moins, parce que le nombre des ouvriers se proportionne au besoin des hommes, et que le travail nécessaire à tout le monde reste forcément à un prix que le pauvre peut payer. Au contraire, ces importants qu'on n'appelle pas artisans, mais artistes, travaillant uniquement pour les oisifs et les riches, mettent un prix arbitraire à leurs babioles ; et, comme le mérite de ces vains travaux n'est que dans l'opinion, leur prix même fait partie de ce mérite, et on les estime à proportion de ce qu'ils coûtent. Le cas qu'en fait le riche ne vient pas de leur usage, mais de ce que le pauvre ne peut les payer.

 

JJ Rousseau. Emile ou de l'éducation. Edition GF Flammarion. Paris 2009.

 


22/04/2020
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Printemps "étonnant, non ?"

Le pangolin ressemble à un artichaut à l'envers avec des pattes, prolongé d'une queue à la vue de laquelle on se prend à penser qu'en effet, le ridicule ne tue plus.

 

Extrait de : Pierre Desproges. Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien nantis. Edition du Seuil. Paris 1985.

 


25/04/2020
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Printemps stoïque.

Quand un homme possède une supériorité sur les autres, ou du moins croit en avoir même si ce n'est pas le cas, il est inévitable, s'il manque d'éducation, qu'il en soit tout enflé d'orgueil.

Le tyran, par exemple, déclare : "Je suis le plus puissant des hommmes."

 

Et que peux tu faire pour moi ? Peux tu faire que mon désir ne rencontre pas d'obstacle ? D'où tiens tu ce pouvoir ? L'as tu pour toi même ? Que je ne tombe pas sur ce que je veux éviter ? L'as tu pour toi même ? Que ma propension ne connaisse pas d'échec ? Dans quel domaine le peux tu toi même ?

Voyons, sur un bateau, as tu confiance en toi ou en celui qu connait la navigation ? Sur un char, à qui te fies tu si ce n'est à celui qui connaît le métier ? Et dans les autres arts ? Même chose. Quel est ton pouvoir ?

 

"Tout le monde prend soin de moi."

 

Moi aussi je prends soin de mon assiette, je la lave, je l'essuie, et pour accrocher ma burette à huile je plante un clou.  Et alors ? Ces objets me sont ils supérieurs ? Non, mais ils me rendent service, c'est pourquoi j'en prends soin. Et mon âne, est ce que je ne le soigne pas ? Est ce que je ne le frotte pas avec l'étrille ? Ignores tu que tout homme prend soin de lui même, et qu'il prend soin de toi comme de son âne ? Qui donc prend soin de toi comme d'un homme ? Montre le moi. Qui veut te ressembler ? Qui s'attache à toi comme on s'attachait à Socrate ?

 

"Mais je peux te faire couper le cou."

 

Bien parlé. J'avais oublié qu'il faut prendre soin de toi comme on soigne la fièvre et le choléra, qu'il faut t'élever un autel comme on fait à Rome en l'honneur de la fièvre.

 

 

 

Extrait de : Epictète. "Entretiens. Fragments et sentences" (Traduction R. Muller). Editeur : Librairie philosophique J Vrin. Paris 2015.

 

 

Printemps stoïque.

Printemps stoïque.


10/04/2020
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Le corps.

"Pensons par exemple à notre corps. Il est le même pendant toute notre vie, du moins est-ce l'impression que nous en avons. En réalité, pas une seule des cellules de notre corps d'aujourd'hui ou des molécules qui les composent n'était présente à notre naissance. L'échange avec l'environnement est permanent, ce qui permet un renouvellement permanent des composants sans que l'ensemble soit altéré."

 

Extrait de : Andràs Pàldi. L'épigénétique ou la nouvelle ère de l'hérédité. Editions Le Pommier/Universcience, Paris 2018.

 


08/03/2020
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Homo sapiens et la parité.

"D'où vient le talent sapiens pour se multiplier ?

[...] Nous pensons cependant que les hordes sapiens ont dû avoir quelque chose de particulier en plus, qui expliquerait leur spectaculaire multiplication partout sur la planète. Mais quoi ? [...]

Ce trait comportemental distinctif à l'origine du succès économique et démographique sapiens serait à rechercher du côté de la répartition des tâches entre les individus et les sexes. Toutes les observations ethnographiques montrent en effet une tendance à la séparation des sexes et de leurs tâches au sein des sociétés de chasseurs-cueilleurs sapiens. Cette séparation s'est du reste renforcée au Néolithique et subsiste jusqu'à aujourd'hui dans la plupart des sociétés. Ce trait sapiens manifestement ancien, si décrié aujourd'hui, est il à l'origine du succès évolutif de notre espèce ? La question est posée."

 

Extrait de : Silvana Condemi et François Savatier. Dernières nouvelles de Sapiens. Flammarion, 2018.

 


26/01/2020
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Devenir imbécile ?

"Pourquoi l'homme seul est il sujet à devenir imbécile ?

N'est ce point qu'il retourne ainsi dans son état primitif, et que, tandis que la Bête, qui n'a rien acquis et qui n'a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l'homme reperdant par la vieillesse ou d'autres accidents, tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la Bête même ? Il serait triste pour nous d'être forcés de convenir, que cette faculté distinctive, et presque illimitée, est la source de tous les malheurs de l'homme ; que c'est elle qui le tire, à force de temps, de cette condition originaire, dans laquelle il coulerait des jours tranquilles et innocents ; que c'est elle , qui faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui même et de la Nature." 

 

Extrait de : JJ Rousseau. Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes.

Editions GF Flammarion. Paris 2008

 

 


24/12/2019
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Les branches sèches

Comme une suite au « Trait d’union » d’un précédent article de ce blog, voici un « propos » sur l’amitié. 

Du soleil emmagasiné par le végétal comme le bonheur endormi au fond de l’humain.

 

Extrait de : Alain. Propos sur le bonheur : LXXVII Amitié. Collection Folio/Essais. Editions Gallimard 1928.

 

"Il y a de merveilleuses joies dans l’amitié. On le comprend sans peine si l’on remarque que la joie est contagieuse. Il suffit que ma présence procure à mon ami un peu de vraie joie pour que le spectacle de cette joie me fasse éprouver à mon tour une joie ; ainsi la joie que chacun donne lui est rendue ; en même temps des trésors de joie sont mis en liberté, et tous deux se disent : j’avais en moi du bonheur dont je ne faisais rien.

[…]

Il faut dire aussi que l’homme content, s’il est seul, oublie bientôt qu’il est content ; toute sa joie est bientôt endormie ; il en arrive à une espèce de de stupidité et presque d’insensibilité. Le sentiment intérieur a besoin de mouvements extérieurs.

[…]

Voici un paquet de branches sèches. Elles sont inertes en apparence comme la terre ; si vous les laissez là, elle deviendront terre. Pourtant elles enferment une ardeur cachée qu’elles ont prise au soleil. Approchez d’elles la plus petite flamme et bientôt vous aurez un brasier crépitant.

[…]

C’est ainsi qu’il faut une espèce de mise entrain pour éveiller la joie.

[…]

Ne laisse pas pourrir ton bois dans ta cave."

 


30/10/2019
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Le colonel Aureliano Buendia

Cent ans de solitude.

Gabriel García Márquez

 

 

Extrait de : Cent ans de solitude, G. Garcia Marquez. Editeur : Points, éditions du Seuil.

 

Le colonel Aureliano Buendia fut à l'origine de trente-deux soulèvements armés et autant de fois vaincu. De dix-sept femmes différentes, il eut dix-sept enfants mâles qui furent exterminés l'un après l'autre dans la même nuit, alors que l'aîné n'avait pas trente-cinq ans. Il échappa à quatorze attentats, à soixante-trois embuscades et à un peloton d'exécution. Il survécut à une dose massive de strychnine versée dans son café et qui eut suffi à tuer un cheval. Il refusa l'ordre du mérite que lui décernait le président de la république. Il fut promu au commandement des forces révolutionnaires, son autorité s'étendant sur tout le pays, d'une frontière à l'autre, et devint l'homme le plus craint des gens au pouvoir, mais jamais il ne permit qu'on le prît en photographie. Il déclina l'offre de pension à vie qu'on lui fit après la guerre et vécut jusqu'à ses vieux jours des petits poissons en or qu'il fabriquait dans son atelier de Macondo. Bien qu'il se battît toujours à la tête de ses troupes, la seule blessure qu'il reçu, ce fut lui qui se la fit après la capitulation de Neerlandia, qui mit fin à bientôt vingt années de guerre civile. Il se lâcha un coup de pistolet en pleine poitrine et le projectile lui ressortit par l'épaule sans avoir atteint aucun centre vital. Tout ce qui demeura de cette succession d'événements fut une rue à son nom à Macondo. Et pourtant, d'après ce qu'il déclara quelques années avant de mourir de vieillesse, il n'en espérait pas tant ...
...
C'est vers cette époque qu'on l'entendit prononcer ces mots : "Actuellement, la seule différence entre libéraux et conservateurs, c’est que les libéraux vont à la messe de cinq heures et les conservateurs à celle de huit heures".

 

 

Un roman "à libération prolongé". Récit désordonné à la limite de l'absurde à la première lecture, les questions viennent plus tard ; étrangement.

Elles font surface peu à peu ...

 

A l'image de l'extrait ci-dessus, les personnages et tout ce qui les entoure sont entrainés dans le tourbillon de la démesure pour immanquablement s’effilocher et peu à peu disparaitre.

La réalité n'est peut être pas si éloignée. Plus qu'un récit, une fable donc. Avec quelques verbes qu'Audiard n'aurait pas reniés.
 

 

 

 


03/07/2016
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Faire retraite en soi-même

Marc Aurèle.

 

Marc Aurèle est né à Rome en 121. Il s’intéresse à la philosophie, notamment aux idées d’Epictète. Adopté par le fils de l’empereur Hadrien, il va régner sur l’empire romain à partir de 161. Il est contraint de mener des campagnes pour défendre les frontières de l’empire contre les barbares, il meurt en 180 sur le front du Danube.

 

Extrait de Marc Aurèle, Pensées, livre IV.

 

Ils se cherchent des retraites, maisons de campagne, plages ou montagne ; et toi aussi, tu prends l’habitude de désirer fortement des choses de ce genre. Voilà qui est absolument vulgaire, puisqu’il est loisible de faire retraite en toi-même à l’heure que tu voudras. Il n’est pas pour l’homme de retraite plus tranquille ni plus débarrassée d’affaires que dans sa propre âme, et surtout quand on possède en soi-même tout ce qu’il faut pour arriver, à condition d’y porter son attention, à cette aisance facile, qui n’est qu’un autre nom de l’ordre. Accorde-toi donc continuellement cette retraite …

 

Marc Aurèle. Pensées. Livres I - VI, Folio sagesses, Gallimard éditeur.


06/06/2016
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