Ataraxie

Ataraxie

Alsace et massif des Vosges


Orchis mascula (Orchidaceae) en Pays Welche.

Variations autour du thème de la couleur.

Fin avril, le printemps s'installe enfin à Labaroche ?

Le coucou, les euphorbes, les boutons d'or, puis les pissenlits tachent de jaune vif les paysages.

Plus discret, l'Orchis mâle pointe çà et là sa hampe violette dans les prés, sur les talus et le bord des haies. L'herbe a bien profité des dernières pluies. Un petit groupe d'Orchis mâle violet foncé se détache sur le vert du pré à côté de deux inflorescences blanches.

 

L’Orchis mâle se rencontre sur tout le continent européen, l’ouest asiatique et le nord de l’Afrique. Les inflorescences comprenant jusqu’à une vingtaine de fleurs violettes apparaissent tôt au printemps et ne procurent aucune récompense (ni nectar, ni pollen) à leurs visiteurs : bourdons, bourdons coucou, abeilles solitaires et scarabées. Des visiteurs probablement jeunes et inexpérimentés en ce début de saison.

 

Une équipe du CNRS de Montpellier s’est intéressée à la probabilité de pollinisation et de fructification de cette orchidée à floraison précoce, n’offrant aucune récompense à ses pollinisateurs.

Au sein de populations homogènes d’Orchis mâle violettes, le pourcentage de fleurs donnant des fruits est de l’ordre de 6 % par inflorescence. Une proportion particulièrement faible en comparaison de celles d’autres espèces d’orchidées plus tardives dans la saison ou offrant du nectar.

 

Comme à Labaroche, de rares individus à inflorescences blanches voire rose pâle se remarquent parfois de façon très irrégulière parmi certaines populations d’Orchis mâle observées par cette équipe avec une fréquence de l’ordre de 0,6 % pour les blanches et de 0,3 % pour les roses.

Une trentaine d’autres espèces d’orchidées généralement violettes, rose, voire rouges peuvent également héberger de rares individus présentant par mutation des inflorescences blanches ou plus claires.

 

Chez ces variants d’Orchis mâle blancs ou rose, le pourcentage de fleurs donnant des fruits reste de l’ordre de 6 % par inflorescence.

En revanche, la présence d’un individu décoloré au sein d’une population violette va considérablement modifier la donne. Lorsque les Orchis violettes sont situées à moins de 150 cm d’un individu à inflorescence blanche ou rose pâle, la fréquence de fleurs violettes formant un fruit atteint 27 % par inflorescence. Soit une augmentation de la pollinisation multipliant par 4 la formation des fruits chez les individus de couleur violette situés à proximité d’un individu de couleur blanche ou rose pâle.

Les parfums, composés volatils, émis par les inflorescences des différentes couleurs, violettes, blanches, rose pâle, principalement d’origine terpénique, ne présentent pas de différence significative.

Les auteurs ont alors placé des balles de ping-pong sur des tiges métalliques au sein de population d’Orchis mâle à inflorescence violette. Lorsque la balle est peinte en violet ou en vert, le succès de la pollinisation ne change pas avec seulement 6 % de fruits par inflorescence.

En revanche, lorsque la balle reste blanche ou est peinte en rose clair, l’effet est le même qu’en présence d’une inflorescence blanche avec une hausse de pollinisation conduisant à plus de 26 % de fleurs formant un fruit. Une expérience qui souligne l’attraction visuelle exercée par les inflorescence claires d’Orchis mâle sur les insectes pollinisateurs.

 

Une mutation ponctuelle conduisant à une inflorescence blanche ou pâle au sein d’une population violette ne bénéficie donc pas à la plante blanche elle même mais aux plantes violettes situées à proximité.

L’existence et la maintenance de rares variants à fleurs blanches apparaît comme un mécanisme adaptatif visuel améliorant significativement la pollinisation de cette orchidée à floraison de début de saison, à fleurs sombres et sans récompense. 

 

"Le plus souvent, quand l'expérience a fini par nous montrer comment la vie s'y prend pour obtenir un certain résultat, nous trouvons que sa manière d'opérer est précisément celle à laquelle nous n'aurions jamais pensé."  H Bergson. L'évolution créatrice. P.U.F

 

 

 

Références.

 

Dormont L et al. Rare white-flowered morphs increase the reproductive success of common purple morphs in a food-deceptive orchid. New Phytologist 2010 ; 185 : 300-10.

 

Dormont et al. Helping in food-deceptive orchids ? A possible mecanism maintaining polymorphism of floral signal. Plant Signal Behav 2010 ; 5 : 526-7.

 

Schatz B et al. Presence, distribution and effect of white, pink and purple morphs on pollination in the orchid Orchis mascula. European Journal of Envoronnemental Science 2013 ; 3 : 119-128.

 


19/05/2021
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Un érable en fleur. A la recherche des origines.

Le printemps est tardif en altitude et le soleil bas en cette fin mars à Labaroche.

Il est le seul arbre en fleur dans cette haie sans feuille.

Des grappes de fleurs dressées, de couleur vert pâle tirant vers le jaune.

Au sol, les feuilles mortes sont découpées en 5 lobes aux extrémités pointues. Entre les lobes, les découpes sont arrondies.

L’écorce du tronc est finement craquelée longitudinalement.

 

L’érable plane Acer platanoides est un arbre à feuilles caduques. Les feuilles sont opposées, grandes (10 à 30 cm), à l’extrémité d’un long pétiole laissant apparaître une goutte de suc laiteux lorsqu’il est arraché de l’arbre. En automne, le feuillage se pare d’une teinte jaune rouge spectaculaire.

Les fleurs regroupées en grappes se dressent avant l’apparition des feuilles, fin mars début avril. Le calice et la corolle de cinq pièces chacun entourent huit étamines sur un disque nectarifère et un ovaire prolongé par un style au stigmate bifide. Un même arbre porte le plus souvent des fleurs hermaphrodites, mais peut parfois porter également des fleurs uniquement mâles ou femelles. L’espèce est dite polygame. Les abeilles sont attirées par le nectar produit par les fleurs.

Le fruit caractéristique des érables (la samare) est constitué de deux hélices ou ailes membraneuses accolées contenant chacune un fruit sec (akène).

 

Les érables formaient historiquement la famille des Aceraceae.

Leur inclusion récente ainsi que celle du marronnier (anciennement Hippocastanaceae), à la faveur de certaines études phylogéniques récentes (APG II et APG III), dans la famille des Sapindaceae comportant des espèces essentiellement tropicales (Litchis, Guarana …), ne semble pas faire l’unanimité.

Le genre « Acer » est un groupe monophylétique, c’est à dire regroupant une espèce ancestrale unique ainsi que la totalité de ses descendants. Avec près de 150 espèces, les érables sont très présents dans les forêts de l’hémisphère nord. Une présence très ancienne attestée par la découverte de fossiles.

La plus grande diversité avec plus d’une centaines d’espèces se trouve sur le continent asiatique, le reste étant observé en Amérique du nord, Europe et Afrique du nord.

C’est pourtant en Alsaka qu’on été découverts des fruits fossilisés datant du paléocène (60 millions d’années), donc beaucoup plus anciens que les fossiles du continent asiatique datant du miocène (20 millions d’années).

Cette opposition apparente entre grande diversité d’espèces asiatiques mais plus vieux fossile sur le continent américain pose la question de l’origine ancestrale du genre « Acer » : Amérique du nord ou Asie ?

 

Des analyses phylogénétiques effectuées par une équipe chinoise accorderaient une plus grande probabilité à une origine ancestrale asiatique du genre « Acer ». Les érables se seraient ensuite dispersés vers l’Europe et l’Amérique du nord.

De fait, les espèces euro-méditerranéennes et nord-américaines du genre « Acer » ne constituent pas un sous groupe homogène issu d’un ancêtre commun et suggérent donc des origines multiples.

Une première migration apparemment restreinte au départ de l’Asie aurait eu lieu au cours de l’éocène (55 millions d’années) via le « Bering Land Bridge » reliant l’Asie de l’est et l’Amérique du nord. Le refroidissement du climat et les glaciations, il y a 30 millions d’années (oligocène) aurait ensuite limité la migration des espèces et provoqué un extinction importante d’espèces dans les régions euro-méditerranéennes et nord-américaines en comparaison des régions de l’Asie qui n’auraient pas connu de grande couverture glaciaire.

Une seconde migration de l’Asie vers l’Europe ou encore de l’Asie vers l’Amérique du nord par le « Bering Land Bridge »  voire le « North Atlantic land bridge » aurait suivi au cours du Miocène (20 millions d’années), favorisée par le réchauffement climatique et l’augmentation de la diversité des insectes du milieu de cette période.

Il est ainsi probable que ce soit à la faveur de cette « deuxième vague » que soient passés vers l’est les ancêtres des érables rouges et des érables à sucre aujourd’hui emblèmes des états du continent nord américain et que ce soit entre autre élargie vers l’ouest, en Europe, la présence des « ancêtres » de notre érable plane (Acer platanoides) décrit ci dessus.

 

Références.

 

Schaffner JH. Questionnaire on certain facts bearing on the theory of sexuality and chromosome constitution. Science 1926 ; 43 : 384-5.

 

Buerki S, Forest F, Acevedo-Rodríguez P, Callmander MW, Nylander JA, Harrington M, Sanmartín I, Küpfer P, Alvarez N. Plastid and nuclear DNA markers reveal intricate relationships at subfamilial and tribal levels in the soapberry family (Sapindaceae). Mol Phylogenet Evol. 2009 ; 51 : 238-58.

 

Buerki S, Porter P. Lowry PP, Alvarez N, Razafimandimbison SG, Küpfer P, Callmander MW. Phylogeny and circumscription of Sapindaceae revisited: molecular sequence data, morphology and biogeography support recognition of a new family, Xanthoceraceae. Plant Ecology and Evolution Fast Track 2010 : 1-12.

 

Gao J, Liao PC, Huang BH, Yu T, Zhang YY, Li JQ. Historical biogeography of Acer L. (Sapindaceae): genetic evidence for Out-of-Asia hypothesis with multiple dispersals to North America and Europe. Sci Rep 2020 ; 10(1) : 21178.

https://doi.org/10.1038/s41598-020-78145-0

 

Reille M. Dictionnaire visuel des arbres et arbustes communs. Editions Ulmer. Paris 2015.

 

Dupont F et Guignard JL. Botanique. Les familles de plantes. 16ème édition. Elsevier Masson. Issy les Moulineaux 2015.

 

Bosch M. Reconnaître facilement les arbres par leurs feuilles. Editions Ulmer. Paris 2018.

 


05/04/2021
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L'Anémone des bois

Anemone nemorosa (Ranunculaceae)

La famille des Ranunculaceae comprend plus de 2000 espèces, essentiellement des vivaces des régions tempérées et froides de notre hémisphère. Le Bouton d'or, la Ficaire, l'Hellebore, l'anémone pulsatille, l'Ancolie, la Clématite, le Pied d'alouette ou encore l'Aconit font partie de cette famille.

 

L'Anémone des bois fleurit dès le mois de mars lorsque les jours sont encore courts. Elle fait partie des espèces dites "vernales" (vernum, le printemps en latin) qui à partir d'une structure souterraine, ici un rhizome, sont les premières à apparaitre en fin d'hiver et dont le cycle de vie en sous bois doit impérativement être bouclé avant que la lumière du soleil ne soit trop réduite par l'apparition et l'allongement des feuilles sur les arbres.

 

Gueberschwihr 17.03.2016

Gueberschwihr 17.03.2016

Gueberschwihr 17.03.2016

Gueberschwihr 17.03.2016

L'Anémone des bois est une plante vivace par un rhizome horizontal, allongé, charnu. Sa taille varie de 10 à 30 cm. Sa fleur, considérée comme "primitive", est constituée de tépales (généralement 2 cycles de 3 tépales) de couleur blanche à rose, les étamines et les carpelles sont en nombre important et indéterminé. La fleur est solitaire sur son pédoncule recourbé avec, plus bas, trois feuilles divisées en trois lobes dentés.

 

 

Gueberschwihr 17.03.2016

Gueberschwihr 17.03.2016

L'anémones des bois est fréquente dans les bois humides. Comme le Muguet, l'Anémone des bois serait une espèce préférentielle des forêts anciennes.

Ces deux espèces ont une durée de vie longue, se reproduisent principalement par voie végétative (respectivement bulbilles et rhizomes) et la dispersion de semences est généralement faible. D'où une faible capacité à recoloniser les milieux forestiers modifiés par l'homme.

 

Gueberschwihr 17.03.2016

Gueberschwihr 17.03.2016

 

http://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-4830-synthese

Dupont F, Guignard JL. Botanique. Les familles de plantes. 16eme ed. Editeur Elsevier Masson. p 172-180

Lenne C. Dans la peau d'une plante. Éditions Belin. p 182-183

Dupouey JL et Dambrine E. La mémoire des forêt. Rendez-vous techniques de l’ONF n°14 (automne 2006) : 45-50

 

 


21/01/2017
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Anémone hépatique

Hépatica nobilis (Ranunculaceae).

Strangenberg (68) ; 24 mars 2016

Strangenberg (68) ; 24 mars 2016

C’est l’aspect trilobé de ses feuilles qui est à l’origine de la dénomination « hépatique » en référence aux lobes hépatiques. Des feuilles dites un peu abusivement « persistantes » de couleur verte parfois rougeâtre.

 

Contrairement à d’autres plantes à feuilles « persistantes », l’Anémone hépatique n’apprécie pas les sols acides, elle préfère les sites calcaires avec un sol meuble et bien drainé.

La partie souterraine est constituée d’un petit rhizome vertical ou diagonal dont une extrémité dépérit tandis que l’autre, l’apex, croit lentement. De nombreuses racines adventices aux propriétés rétractiles maintiennent l’ensemble dans le sol.

Les organes souterrains sont les réserves hivernales d’azote et de phosphates extraits du sol durant l’automne. Ces réserves seront utilisées séquentiellement pour la croissance des fleurs puis des feuilles au printemps.

 

C’est une des premières à fleurir dans les forêts du nord de l’Europe. Les boutons floraux sont formés en automne pour une floraison débutant de février à début avril selon le climat,

La floraison dure de 3 à 4 semaines. Chaque petite tige portant une seul fleur. Les fleurs d’un diamètre de 15 à 30 mm sont formées de 3 bractées sous la fleur assemblées en un pseudo calice, 5 à 6 sépales violets entourent 30 à 45 étamines disposées en spirale ; au centre le gynécée comporte de 10 à 15 pistils.

Dans le but de limiter l’autofécondation, la maturité des organes femelles précède celles des organes mâles. Les fruit sont des akènes comportant un élaïosome, un corps gras très calorique apprécié des fourmis qui participent de fait à la dispersion des graines.

 

L’Anémone hépatique est capable de vivre plusieurs décennies.

 

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

L’Anémone hépatique diffère des autres plantes qui fleurissent au printemps dans les bois et les forêts de feuillus (Anémone sylvie et autres ...) par le cycle de ses feuilles et leur durée de vie.

 

Le feuillage de l’Anémone hépatique n’est pas un feuillage persistant au sens strict mais plutôt un feuillage pérenne et « caduc au printemps ». Les nouvelles feuilles, dont l’ébauche s’est formée un an auparavant, apparaissent peu après la floraison, tout début mai. Elles remplacent les anciennes, flétries, par le jeu d’une probable translocation des hydrates de carbone emmagasinés dans les racines en direction des nouvelles feuilles.

Par ce biais, la plante n’est jamais sans feuille et assure sa photosynthèse durant toute l’année.

En botanique, la persistance des feuilles est généralement interprétée comme un mécanisme de conservation en milieu pauvre en nutriment ou en milieu à faible luminosité ; les plantes d’ombre ayant habituellement un taux de croissance et un métabolisme plus bas que les plantes de pleine lumière. La tolérance au stress d’Hepatica nobilis inclut des conditions de faible luminosité mais également une faible disponibilité de nutriments dans le sol.

La durée de vie annuelle des feuilles permet de compenser un accès difficile à la lumière et une photosynthèse limitée.

La plante reprend sa photosynthèse très tôt au printemps encore avec les « anciennes » feuilles avant que les arbres au dessus soient pourvus de leur feuillage. La croissance de nouvelles feuilles après la floraison semble optimale. L’investissement de la biomasse dans les organes sexuels a terminé sa phase maximale et le développement de feuilles nouvelles, à pleine capacité photosynthétique, fin mai, permet la continuité de la photosynthèse malgré l’apparition des feuilles du couvert supérieur des arbres puis durant l’été sous un moindre flux lumineux.

L’hiver la photosynthèse est plus limitée par la température que par l’intensité lumineuse. La disposition des feuilles à plat sur la couche de litière, la croissance de la plante sur des pentes, des emplacements ou la litière éparse et ne recouvre pas les feuilles, permet le maintient de la photosynthèse lors de période douce sans neige.

 

 

 

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Strangenberg (68) ; 23 mars 2016

Références bibliographiques :

 

 

Anderson T. Seasonal dynamics of biomass and nutrients in Hepatica nobilis. Flora 1997 ; 192 : 185-95.

 

Zuraw R et coll. Ecology and morphology of the flowers of Hepatica nobilis Scherb (Ranunculaceae). Modern Phytomorphology 2013 ; 4 : 39-43.

 


05/06/2019
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Le mélilot ou "lotus à miel" : poison, parfum ... médicament.

Melilotus alba, Melilotus officinalis (Fabaceae)

 

Mélilot blanc et Mélilot officinal

Le nom de mélilot vient du grec, meli le miel et lotos le lotus, "lotus à miel" indiquant clairement ses propriétés mellifères (voir images).

Ce sont des plantes bisannuelles, de 30 à 120 cm de haut, avec de nombreuses petites fleurs blanches ( Melilotus alba ) ou jaunes ( Melilotus officinalis ) typiques des Fabaceae et disposées en grappes grêles et allongées. Elles fleurissent de juin à octobre. Les feuilles sont constituées de trois folioles avec de petites dents. On les trouve actuellement dans les friches et sur le bord des routes.

 

Dans les années 20, au Canada et aux États Unis, des fermiers en difficulté financière ont recours à du fourrage "bon marché". Ce fourrage contient du mélilot dont les semences ont été importées d'Europe à la fin du 19ème siècle pour sa facilité de culture. Les éleveurs font alors face à une nouvelle pathologie du bétail se manifestant par des hémorragies internes. Un vétérinaire fait le lien avec l'ingestion de mélilot ; du mélilot mal séché et fermenté du fait du climat humide. La molécule responsable des hémorragies dans ce mélilot fermenté est isolée à la fin des années 30 : le dicoumarol.

Le dicoumarol, après des essais animaux et humains, est alors utilisé dans le traitement de l'infarctus du myocarde. Plus tard, la warfarine, un dérivé proche, sera synthétisé et utilisé d'abord comme raticide anticoagulant puis en thérapeutique. A partir des années 50, la warfarine et d'autre molécules proches, dérivées de synthèse de la coumarine, seront indiquées pour la prévention des maladies thrombo-emboliques et prescrites dans le monde à des centaines de milliers de patients.

 

La coumarine est une molécule émettant une odeur agréable de foin fraichement coupé. Actuellement, la coumarine de synthèse est couramment utilisée en parfumerie. "Cumaru", dans une langue amazonienne, désigne l'arbre de Tonka dont les fèves contiennent 1 à 3% de coumarine. La coumarine est présente en quantité plus faible dans le mélilot.

Dans les plantes, elle est stockée sous la forme de glucoside de l'acide coumarinique qui sera secondairement transformé par cyclisation en coumarine sous l'action d'enzymes ou du soleil. Il est facile de faire l'expérience de froisser entre les doigts un peu de mélilot, progressivement en quelques minutes, le parfum aromatique de la coumarine apparait sur les doigts et s’avère persistant.

Lors de la fermentation d'un fourrage mal séché contenant du mélilot, des champignons des genres Aspergillus ou Penicillium métabolisent la coumarine en 4 hydroxy-coumarine puis forment un pont entre deux molécules de 4 hydroxy-coumarine pour conduire au dicoumarol, "mycotoxine" anticoagulante.

 

Le dicoumarol, la warfarine et les autres molécules synthétiques dérivées sont des anticoagulants de la familles des anti-vitamines K. La vitamine K est indispensable pour terminer (carboxylation) la formation de certains facteurs de la coagulation. Les molécules anti-vitamines K empêchent la régénération de la vitamine K qui a permis la carboxylation de ces facteurs de coagulation. D'où avec le temps, la diminution progressive de facteurs de coagulation "complets" et efficaces et la diminution des capacités de coagulation en cas de saignement.

 

 Monsuez JJ. Les anti-vitamines K : une histoire rurale. Arch Mal Coeur Vaiss Prat 2016 ; 2016 : 33-35

http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doschim/decouv/parfums/loupe_coumarine.htm 

Berny P et Al. Revue Méd Vét 2005 ;156, 8-9 : 449-454

 

 

Colmar, RN83, 22.06.2016.

 

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28/06/2016
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Pulmonaire : le rose avant le bleu ...

Pulmonaria obscura (Boraginaceae)

 

Au dessus de Gueberschwihr mi mars 2016.

Dans la famille des Boraginaceae, les fleurs sont versicolores. Elles passent du rose pour les plus jeunes au violet puis au bleu pour les plus anciennes, conséquence de la présence d'anthocyanes dans le suc vacuolaire des corolles (1).

La Pulmonaire obscure est observable dans les sous bois. Elle se distingue de la Pulmonaire officinale par des feuilles non tachetées de blanc.

 

 (1) Dupont F, Guignard JL. Botanique. Les familles de plantes. 16eme edition. Elsevier Masson

Pulmonaria obscura (Boraginaceae) 3.jpg


06/05/2016
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Bourrache officinale : "père de la sueur"

Borago officinalis (Boraginaceae).

 

Le nom de bourrache vient de l'arabe abou er-rach, "père de la sueur", faisant référence aux propriétés sudorifiques des fleurs et sommités fleuries.

Les fleurs peuvent également décorer et parfumer les salades, leur gout rappelant celui de l'huitre.

Une huile contenant de l'acide gamma linolénique est extraite de ses graines dans diverses indications par voie orale ou encore en application cutanée pour améliorer l'élasticité de la peau. (1)

 

La bourrache est une plante mellifère, source pour les abeilles et les bourdons d'un abondant nectar.

La pollinisation est en revanche à la charge des bourdons, seuls capables de libérer le pollen des étamines en les faisant entrer en vibration à une fréquence bien spécifique par contraction rapide des muscles à la base des ailes.

Le fruit comporte une petite excroissance imprégnée d'une huile dont les fourmis sont friandes. Après consommation de l'huile au nid, les fourmis rejettent le reste du fruit, assurant ainsi sa dispersion et ainsi la dissémination de la plante. (2)

 

 

1. Debuigne G, Couplan F. Le petit Larousse des plantes qui guérissent. Éditions Larousse.

2. http://www.abeillesentinelle.net/imgfr/files/plantes_melliferes_751.pdf

 

 Colmar le 09.05.2016

 


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bourrache.2.jpg


10/05/2016
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La viperine

Echium vulgare (Boraginaceae)

ou Viperine conmmune.

Son nom vient du grec "echion" qui signifie vipère. L’origine de son nom change selon les sources.

Sa tige dressée pouvant atteindre jusqu’à 1 mètre de haut est parsemée de petites tâches et couverte de poils rêches ; l’aspect de la tige pouvant faire penser aux écailles de vipère.

L’inflorescence est une cyme scorpioïde (voir photo ci-dessous). La morphologie de la fleur très ouverte avec les étamines et le style bifide saillant à l’extérieur évoquerait une gueule de vipère ouverte. Typiques de la famille de boraginaceae, les fleurs passent du rose en bouton au bleu une fois ouverte. La corolle en forme d’entonnoir large permet à de nombreux pollinisateurs d’atteindre le nectar en son fond (voir photo ci-dessous). Fréquente dans les friches, les bords de route. La vipérine est une  très bonne plante mellifère.

 

Dupont F, Guignard JL. Botanique. Les familles de plantes. 16eme edition. Elsevier Masson

Machon N, Motard E et al. Sauvages de ma rue. Museum national d'histoire naturelle et Le Passage editeurs.

 

Colmar RN83, 16.09.2015

 

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Colmar, RN83 le 05.06.2016

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08/06/2016
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Oeillet superbe

Dianthus superbus (Caryophyllaceae).

 

Dianthus serait la contraction des mots grecs « dios » et « anthos », la fleur des dieux !!

Œillet superbe ou Œillet à plumet ou encore Mignardise des prés …

 

L’œillet superbe est une plante vivace par un rhizome souterrain qui donnera des pousses annuelles végétatives et/ou florifères au printemps.

Les tiges de 30 à 80 cm sont arrondies, elles portent des feuilles simples, lancéolées et opposées.

La floraison s’étend de juin à septembre.

Les fleurs odorantes, mesurent 5 à 6 cm de diamètre. Les cinq pétales variant de blancs à rose carmin, sont découpés en lanières ou « franges capillaires » jusqu'au-delà du milieu.

Le fruit est une capsule contenant chacune près d’une centaine de graines.

 

Wormspel (68), 14/07/2017

L’espèce est habituellement décrite dans le bois et prairies humides de l’Est de la France, plus rarement le Centre et le Sud-ouest.

L’œillet superbe a une préférence pour les prairies fauchées peu fumées

Coupé avant la floraison, il produit de nouvelles hampes florales, plus courtes, mais plus nombreuses et sa croissance devient alors plus rapide que les graminées qui l’accompagnent.

Ainsi, une fauche non intensive retarde de quelques semaines (juillet à fin octobre) mais favorise sa floraison et réduit la concurrence des autres plantes.

Au contraire, les fertilisations minérales ou organiques renforcent cette compétition au profit des hautes graminées qui étouffent l’œillet.

 

En Alsace, les prairies des «Rieds », non amendées, non retournées et avec une très faible profondeur de la nappe phréatique, constituent actuellement le biotope majoritaire de Dianthus superbus subsp. Superbus : le « Ried Nord » (Nord de Strasbourg), le « Ried Centre-Alsace » (autour de Sélestat), le « Ried du Bruch de l’Andlau » (vers Geispolsheim, Erstein …) ainsi qu’une zone du sud-est de l’Alsace proche du Rhin (Saint Louis et au-dessus).

Malgré ce contexte régional tourné vers les Rieds, Dianthus superbus est également décrit dans une partie sud-est du massif vosgien. Présence vraisemblablement due à une autre sous-espèce : Dianthus superbus subsp. sylvestris.

 

Le cirque du Wormspel est un ancien cirque glaciaire bordé au sud par les arrêtes du Spitzkoepfe et au nord par la crête cheminant du Honneck au Gaschneykopf . Ces Œillets superbes ici en image formaient un petit groupe isolé, sur un terrain très incliné et particulièrement humide, en bordure du chemin vers la fin de la pente abrupte qui descend de la ligne de crête au début du plateau intermédiaire qui s’incline ensuite vers le lac du Schiessrothried.

 

Wormspel (68), 14/07/2017

L’Oeillet superbe figure sur la liste des espèces végétales protégées sur l’ensemble du territoire national.

Au niveau régional, malgré une bonne représentation dans le Bas Rhin, il reste évalué comme « En danger» dans la liste rouge d’Alsace 2014 du fait « de la fragmentation et du déclin continu de la superficie et de la qualité de son habitat, ainsi que de sa faible capacité de dissémination ».

 

Lors de travaux de modification d'une route près de Soufflenheim (67), le tracé routier a été optimisé pour que son impact soit le moins agressif possible sur les "Oeillets Superbes", les pentes des talus de remblais ont été "raidies » afin de réduire drastiquement le nombre de plants à déplacer et replanter à proximité.

 

A Reichstett(67), un passage à niveau jugé « préoccupant » sur le plan sécurité, devait être supprimé et remplacé par un ouvrage passant au-dessus de la ligne de chemin de fer. Une suppression qualifiée de prioritaire au niveau national. Lors des études préliminaires, les inventaires floristiques mettent en évidence la présence de l'œillet superbe sur une prairie qui sera impactée par les travaux. Un arrêté préfectoral portant dérogation autorise les travaux mais prévoit différentes mesures compensatrices pour la préservation de l'Oeillet : le prélèvement, la conservation temporaire au conservatoire botanique d’Alsace, puis le retour et le suivi des spécimens impactés mais également ... l’élaboration d'une stratégie de conservation des prairies relictuelles à Dianthus superbus L. dans le Ried Nord et une étude complémentaire précisant les conditions écologiques et les pratiques agricoles favorables à l'espèce.

 

Wormspel (68), 14/07/2017

http://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-22313-description

Pouvreau M. – 2014. Stratégie de conservation de l’Oeillet superbe Dianthus superbus L. dans le Ried Nord. Rapport final.

http://www.conservatoire-botanique-alsace.fr/conservation-des-plantes-menacees-en-alsace/plans-de-conservation/

http://www.ladepeche.fr/article/2007/10/09/36974-alsace-des-oeillets-superbes-sauves-du-bitume.html

 


20/07/2017
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Orchis singe

Orchis simia.

 

Simia vient de simius, le singe en latin.

Plante de 20 à 45 cm qui apprécie les situations de pleine lumière.

Les feuilles sont vertes. Elle fleurit en mai. Originalité de cette espèce d'orchidée, la floraison commence par le haut de l'inflorescence et progresse vers le bas.

Sépales et pétales prennent ensemble la forme d'un casque, blanc rosé, veiné de violet à l'intérieur, l'éperon est descendant.

Le labelle est trilobé, sa forme est l'origine du nom de la plante. Les lobes extérieurs sont fins évoquant les bras du petit singe. Le lobe central est plus long et lui même terminé par deux lobes fins et un appendice central figurant le corps, les pattes et une petite queue du petit singe.

L'Orchis singe est relativement rare et menacée en Alsace.

 

Dirwimmer C, Martinak D, Parmentelat H, Pierné A. A la découverte des orchidées d'Alsace et de Lorraine. Éditions Biotope.

 

 

Sigolsheim, le 17/05/2016.

 

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03/06/2016
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